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seulement de vos concitoyens, mais même des étrangers, les provisions de blé ; car vous avez résolu de fournir à tous ceux qui le demandent de quoi subsister. Que nous soyons frères et qu’un même sang coule en nous, cela est manifeste, rien qu’à voir nos physionomies qui diffèrent si peu ; notre père est Jacob, un Hébreu ; nous, ses douze fils, nous lui sommes nés de quatre femmes. Tant que nous vivions tous, nous étions heureux. Mais depuis la mort d’un de nos frères, Joseph, le sort a mal tourné pour nous. Notre père a fait paraître une grande affliction à son sujet ; et pour nous, cette mort malheureuse et la douleur du vieillard nous font cruellement souffrir. Nous venons maintenant nous procurer du blé ; les soins à donner à notre père et la surveillance de la maison, nous les avons confiés à Benjamin, le plus jeune de nos frères. Tu n’as qu’à envoyer quelqu’un chez nous, pour savoir si j’ai dit le moindre mensonge ».

4[1]. C’est ainsi que Roubel essayait d’inspirer à Joseph une opinion favorable sur leur compte ; mais celui-ci, apprenant que Jacob vivait et que son frère n’avait pas péri, les fit pour le moment jeter en prison afin de les interroger à loisir ; le troisième jour, il les fait approcher : « Puisque, dit-il, vous affirmez avec énergie que vous êtes venus sans dessein de nuire aux intérêts du loi, que vous êtes frères et que vous avez pour père celui que vous dites, le moyen de me convaincre, c’est d’abord de me laisser comme otage l’un de vous, qui n’aura aucune violence à subir, et, une fois que vous aurez rapporté le blé chez votre père, de revenir chez moi en amenant avec vous le frère que vous déclarez avoir laissé là-bas : voilà qui m’assurera de la vérité ». Ceux-ci, devant ce surcroît d’infortune, se lamentaient et ne cessaient de se rappeler les uns aux autres, en gémissant, la malheureuse histoire de Joseph : Dieu les châtiait de leur attentat contre lui et leur attirait ces malheurs. Mais Roubel blâmait énergiquement ces vains regrets, qui ne pouvaient être d’aucune utilité pour Joseph ; il estimait résolument qu’il fallait supporter toutes les souffrances, car c’était une punition que Dieu leur infligeait. Voilà ce qu’ils se disaient les uns aux autres, sans se

  1. Gen., XLII, 17.