Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ché était ouvert même aux étrangers ; il ne retient que Benjamin, qui lui était né de Rachel et avait ainsi la même mère que Joseph. Les fils de Jacob, arrivés en Égypte, vont trouver Joseph et demandent à acheter des vivres ; car rien ne se faisait sans son avis, au point que, pour faire sa cour au roi avec profit, il fallait avoir soin de rendre ses hommages également à Joseph. Celui-ci reconnaît ses frères, qui ne se doutaient de rien quant à lui ; car c’était dans l’adolescence qu’il avait été séparé d’eux, et à l’âge où il était arrivé, ses traits s’étaient transformés et le leur rendaient méconnaissable[1] ; puis la hauteur de son rang empêchait qu’il pût seulement leur venir en la pensée. Il voulut éprouver d’une façon générale leurs sentiments. De blé, il ne leur en fournit pas et il prétendit que c’était pour espionner les affaires du roi qu’ils étaient venus, qu’ils arrivaient de différents pays et que leur parenté n’était qu’une feinte ; car il était impossible qu’un simple particulier eût pu élever tant d’enfants d’une si remarquable beauté, alors qu’il était difficile aux rois mêmes d’en élever autant. C’était pour avoir des nouvelles de son père et savoir ce qui lui était advenu après son propre départ qu’il agissait ainsi ; il désirait aussi se renseigner au sujet de Benjamin, son frère, car il craignait que, renouvelant sur lui la tentative dont il avait été lui-même victime, ils ne l’eussent fait disparaître de la famille.

3[2]. Quant à eux, ils étaient dans l’émoi et la crainte ; ils croyaient le plus grand danger suspendu sur leurs têtes, et ne songeaient en aucune façon à leur frère ; ils se disposèrent à se justifier de ses accusations. Roubel prit la parole, en qualité d’aîné : « Nous, dit-il, ce n’est point pour nuire que nous sommes venus ici, ni pour faire tort aux intérêts du roi ; nous cherchons à nous sauver et à échapper aux maux qui sévissent dans notre patrie, comptant sur votre générosité, qui, nous l’avons appris, met à la disposition, non

  1. Cf. Baba Meçia, 39 b ; Ketoubot, 27 b ; Yebamot, 88 a ; Gen. R., XCIX, où Rab Hisda (Amora babylonien mort en 309) explique que Josèphe reconnut ses frères, parce qu’ils étaient déjà barbus quand il les quitta, tandis que lui était imberbe à cette époque.
  2. Gen. XLII, 10.