heur tout neuf, celui dont rêvait son cœur de jeune fille est à jamais brisé. Avec sa mère, Rose-Anna, elle pose le problème des familles nombreuses des milieux populaires et leur cortège de laideurs, de promiscuités et de misère, chancres au flanc de toutes les villes qui se veulent civilisées et auquel les sociétés dites chrétiennes n’ont encore trouvé que des solutions païennes. Les tableaux de la vie quotidienne de « Bonheur d’occasion » sont d’un relief saisissant et renferment les plus belles pages du roman. Rose-Anna est aussi la femme du peuple, à l’héroïsme obscur confiné à l’accomplissement sans plainte du travail routinier, l’héroïsme de millions de femmes du peuple semblables à elle à travers le monde. Dans la résignation avec laquelle elle recommence inlassablement le lendemain ce que la vie a défait depuis la veille, Rose-Anna évoque Sisyphe roulant son rocher sans fléchir ; mais un Sisyphe chrétien, cependant, qui sait que sa résignation plaide pour lui ; car Rose-Anna croit en Dieu avec la ferveur des pauvres et elle va puiser aux pieds de ce Dieu, dans l’église sombre de son faubourg, le courage qu’il lui faut pour vivre. Et Jean Lévesque, orgueilleux et ambitieux, fanfaron sans être foncièrement mauvais, mais d’une inconsciente cruauté ; son amour pour Florentine n’est que le ré-
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ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX