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de sang, aux inflammations des viscères thoraciques et par suite le développement de maladies de langueur mortelles.

Tandis que Riolan, médecin de Marie de Médicis, explique les déformations de la colonne vertébrale par l’usage du corset, tandis que plus tard Sœmmering montre l’estomac biloculaire comme conséquence de la compression par le même appareil, beaucoup d’autres médecins s’élèvent de toutes leurs forces « contre ces cuirasses qui, sous prétexte de redresser la taille, causent plus de difformités qu’elles n’en préviennent ».

« Les Winslow, les Van Swieten, les Buffon, les J.-J. Rousseau dirigèrent, contre l’usage des corps, les uns la force de leur dialectique soutenue par l’observation et les déductions de la science, les autres les foudres de leur éloquence appuyée sur les lois de la nature et du plus simple bon sens, mais tous leurs efforts ne purent triompher des adeptes du corset qui restaient triomphants dans une lutte où il semblait qu’ils dussent inévitablement succomber. »

M. Debay rapporte que Cuvier conduisit un jour une jeune dame pâle et chétive au Jardin des Plantes. La dame s’étant arrêtée pour admirer une fleur au port gracieux, aux brillantes couleurs, le savant lui dit : « Naguère, madame, vous ressembliez à cette fleur et demain cette fleur vous ressemblera. » En effet, le lendemain Cuvier ramena la dame qui poussa un cri en apercevant la jolie fleur de la veille, pâle, courbée, languissante ; elle en demanda la cause, et l’illustre professeur lui répondit : « Cette fleur est votre image, comme vous elle languit sous une cruelle étreinte » et il lui montra une ligature circulaire qu’on avait pratiquée sur la tige de la fleur : « Vous vous fanerez de même, ajouta-t-il, sous l’affreuse compression de votre corset, vous perdrez peu à peu les charmes de votre jeunesse si vous n’avez pas assez d’empire sur la mode pour abandonner ce dangereux vêtement. »

M. Serres, professeur au Muséum a écrit : « Le corset refoule la masse intestinale en bas ; l’utérus, organe flottant, est lui-même refoulé par les intestins et sans cesse déplacé. De là les affections terribles de cet organe, si fréquentes à Paris, que bientôt les médecins n’y pourront plus suffire. »

Le professeur Delpech poussa, lui aussi, un cri de détresse : « Que de maux dans un corset, que de morts dont il est cause. »