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Comme nous vivons au sein de l’association, bien peu de personnes en comprennent la véritable nature. Les phénomènes dont nous sommes partie intégrante sont ceux que nous avons le plus de peine à observer d’une façon scientifique et objective. L’association est seulement un moyen servant à accroître l’intensité vitale de l’individu. Cette intensité est d’abord augmentée par la longévité. Isolés, les êtres monocellulaires durent à peine quelques instants. Unies dans un organisme comme l’homme ou l’éléphant, les cellules protoplasmiques peuvent durer cent ans. De même, lorsque nos ancêtres vivaient en petites hordes de quelques dizaines d’individus, la durée de la vie moyenne de chacun d’eux ne dépassait peut-être pas quinze ans. Quand le genre humain formera une fédération unique, la durée de la vie moyenne dépassera certainement cinquante ans. Il est difficile de prévoir le chiffre, mais il est certain que la longévité sera alors la plus grande qui soit réalisable pour notre espèce[1].

Mais, en même temps que la longévité, l’association produit l’accroissement de l’intensité vitale d’une façon directe. L’association a pour résultante non pas seulement une addition de puissance vitale, mais une multiplication de cette puissance. Dix hommes, associés et organisés, ne produisent pas dix fois plus de besogne que dix hommes séparés, ils en produisent cent fois plus et même davantage[2]. Et cette multiplication merveilleuse ne peut être obtenue que par l’association, car l’association est une multiplication toujours, mais sous mille aspects différents. Dans la phase embryonnaire, lorsque

  1. Puisqu’il y aura le moins de morts violentes, provenant des guerres, et le moins de morts naturelles, provenant des privations. La moyenne de la mortalité doit être maintenant, pour le globe entier, de 30 à 50 p. 1.000 : elle sera peut-être alors de 10 p. 1.000.
  2. On connaît l’exemple classique donné par Jean-Baptiste Say sur la fabrication des cartes à jouer. Si chaque ouvrier fabriquait une carte entière, à lui tout seul, il pourrait en livrer deux par jour. Mais trente ouvriers, organisés et se partageant le travail, peuvent confectionner 15.000 cartes par jour, soit 500 cartes par tête. L’association augmente donc la puissance productrice de 250 fois.