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qu’une modification des institutions humaines. Aujourd’hui, l’Europe est divisée en vingt-cinq États souverains, qui peuvent se déclarer la guerre à tout moment. C’est une anarchie complète. Si, demain, notre continent s’unit en fédération, qu’est-ce que cela signifiera ? Que les vingt-cinq États européens donneront à leurs relations mutuelles une organisation différente de celle qui existe aujourd’hui. Et organisation différente veut dire existence de certains mouvements qui n’existent pas à l’heure actuelle (par exemple, les voyages périodiques des délégués nationaux à la diète fédérale).

Il semble difficile de contester la réalité du mécanisme social que je viens d’exposer. Et, si la réalité est telle que je la représente, le darwinisme est complètement perdu. Comment peut-on dire, en effet, que le progrès du genre humain provient de l’homicide collectif, quand il est manifeste qu’il provient des institutions sociales ? Or, les institutions ne sortent pas de l’homicide, mais des mouvements cérébraux, des représentations mentales. Voilà deux groupes humains en présence. Ils commencent à se massacrer les uns les autres. Imaginons un instant que le massacre mutuel soit complet et qu’il ne reste plus un seul survivant (je sais bien que l’hypothèse est irréalisable, je la donne seulement pour faire un raisonnement). Il est évident qu’il n’y aura aucun progrès social, puisqu’il n’y aura plus de société. Mais s’il reste des survivants ? Alors le progrès dépendra uniquement des institutions qui les régiront. Si elles sont plus parfaites qu’avant la bataille, il y aura progrès ; si elles sont moins parfaites, il y aura régression. Il est contradictoire d’affirmer que la même cause (la bataille) peut produire des effets diamétralement opposés. De plus, c’est s’aveugler complètement que de considérer les progrès, réalisés quelquefois après les batailles, et de négliger totalement les régressions dont elles sont suivies si souvent. Venir affirmer après cela que les homicides collectifs sont la