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projets à son entourage, ce qui revient à faire naître dans d’autres cerveaux la représentation du régime constitutionnel qu’il possède déjà dans le sien. Puis il doit faire naître le désir et la volonté de le réaliser. Quand l’accord des volontés s’est opéré, l’institution nouvelle devient un fait accompli. Or, le moyen par lequel l’inventeur propage son idée est une série d’actes interpsychiques. Une institution humaine est un ensemble de mouvements individuels similaires, au second degré de complexité, si l’on peut s’exprimer ainsi. Au second, parce que toute institution humaine présuppose une représentation interne (première phase), communiquée d’un individu à d’autres individus (deuxième phase).

Les actes internationaux suivent la même marche que les actes politiques intérieurs. Lorsque Napoléon III et Cavour combinaient à Plombières, en 1858, la libération de l’Italie, ils devaient nécessairement se représenter un état de choses encore non existant qu’ils voulaient précisément réaliser. Napoléon III et Cavour voyaient l’Autriche occupant le royaume lombardo-vénitien, et le reste de l’Italie partagé en six États. Ils se représentaient, au contraire, le Milanais et la Vénétie annexés au Piémont, la Savoie et Nice rattachées à l’Empire français, et les sept États italiens groupés en fédération. Cette représentation constituait un certain ensemble de mouvements cérébraux, sans lesquels la guerre de 1859 n’aurait pas eu lieu. L’initiative de Napoléon III et de Cavour devait recevoir l’assentiment au moins tacite des Français et des Italiens, sans quoi l’Empereur et le ministre n’auraient pas été suivis par les peuples. On voit se reproduire ici, sous une forme différente, l’action de l’inventeur sur son entourage. Ainsi donc, les actes internationaux se ramènent, comme les institutions intérieures, à des mouvements musculaires précédés de certains mouvements interpsychiques du second degré de complexité. Il ne peut pas en être autrement, car les actes internationaux ne sont, en définitive,