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leurs compatriotes, la collectivité reste saine et vigoureuse. Si les chefs deviennent despotiques ou les citoyens anarchistes, la dissociation commence et la collectivité peut se disloquer.

Concluons. Les darwiniens ont raison. La lutte est une loi universelle de la nature. Elle se produit aussi bien entre les astres, au sein des espaces célestes, qu’entre les cellules, au sein des corps, et les hommes, au sein des sociétés. Mais les procédés par lesquels s’opère cette lutte universelle varient dans une immense mesure. Si l’on veut comparer ces procédés dans les différents domaines de la phénoménalité, il faut le faire avec un soin méticuleux et une grande attention. Il y a des analogies entre les différents domaines, mais il y a aussi des dissemblances extrêmement importantes Si l’on néglige les dissemblances, on tombe dans des erreurs si profondes qu’elles mettent à néant toutes les analogies.

Aussi longtemps qu’il y aura des lions, ils devront tuer certains animaux pour les manger. Mais il ne s’ensuit nullement qu’aussi longtemps qu’il y aura des hommes, ils devront absolument se massacrer les uns les autres. Il y a une différence capitale entre le phénomène de l’absorption physiologique et les luttes au sein des communautés humaines. Les conclusions applicables à l’un des procédés de la lutte ne le sont pas à l’autre. Dans les luttes zoologiques domine le procédé de la mort totale ; dans les luttes au sein des sociétés, le procédé de la mort partielle. Cela n’empêche en aucune façon les procédés de la mort partielle d’être des réalités absolument concrètes et de se répéter à chaque instant. Voir seulement les procédés de la mort totale et ne pas vouloir considérer les procédés de la mort partielle est du pur aveuglement. Or, tout ce qui est vue unilatérale, vue partielle, est anti-scientifique au premier chef, car la science est précisément la connaissance de tous les phénomènes accessibles à l’intelligence et leur généralisation dernière.