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un savant, qui pense beaucoup, le cerveau absorbe plus de sang et les biceps restent malingres[1].

Les cellules, au sein de l’organisme, sont comme les hommes, au sein de la société. Elles sont opposées les unes aux autres dans une certaine mesure, et cependant elles sont aussi alliées les unes aux autres. Ainsi, dans un régiment qui attaque l’ennemi, chaque soldat cherche à préserver sa vie, même au détriment de ses camarades. Voilà donc une opposition, un antagonisme. Mais aucun soldat n’attaque son camarade, et tous ensemble attaquent le régiment ennemi. Voilà un état de solidarité. Il y a donc lutte simultanée et entre les soldats du même régiment et entre les soldats des deux régiments ennemis. Mais ces deux luttes s’effectuent par des procédés complètement différents. Au fond, l’alliance n’est autre chose qu’une modification des procédés de la lutte, l’abandon de l’attaque contre le voisin.

Passons maintenant à la seconde grande analogie qui existe entre les phénomènes se produisant au sein du même organisme et les phénomènes se produisant au sein des sociétés.

Les recherches d’Élie Metchnikof et d’autres naturalistes ont montré qu’il y a dans le corps humain des cellules errantes et mobiles, qui ont deux fonctions principales : celle de combattre les microbes pathogènes qui nous envahissent par la respiration et celle de faire, pour ainsi dire, la police de notre corps en détruisant les éléments histologiques décomposés. Les cellules accomplissant cette dernière fonction s’appellent les macrophages. Ceux-ci emploient le procédé de l’absorption totale. Ils tuent et détruisent complètement les cellules vieilles et décomposées. Quoique on voie reparaître ici la destruction com-

  1. Il y a des cas où la lutte entre les cellules a pour conséquence un affaiblissement si grand des vaincus que l’équilibre général de l’association est rompu. On se trouve alors en présence d’un cas pathologique qui peut amener une dissociation complète, c’est-à-dire la mort totale de l’individu. Il sera question de ces phénomènes au livre suivant.