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que les mêmes rapports doivent se retrouver, sans modification aucune, entre les sociétés au sein du genre humain. D’abord, cela contredit le fait incontestable que les rapports entre les êtres sont d’une variété infinie. Puis, cela contredit la simple logique. En effet, comme il y a de très grandes différences entre des individus séparés, appartenant à l’animalité, et les collectivités appartenant à l’humanité, dire qu’entre ces unités si diverses les rapports doivent être identiques, c’est commettre une erreur complète de raisonnement.

Spencer fait deux confusions principales, qui rendent sa comparaison entièrement fausse :

1o Il compare les luttes d’individus d’espèces différentes avec les luttes d’individus de même espèce ;

2o Il compare les luttes entre individus aux luttes entre collectivités.

Les microbes dévorent les animaux et les plantes, les animaux mangent les plantes, les carnivores se nourrissent de la chair des herbivores. Admettons que l’évolution biologique, l’ascension sur l’échelle des êtres, se réalise par suite des luttes provenant de ce genre de rapports. Comment Spencer ne s’aperçoit-il pas que sa déduction : « de même dans les sociétés humaines » n’est pas applicable à ces cas ? Les microbes et l’homme, l’herbe et le bœuf, le loup et l’agneau ne sont pas de même espèce. Depuis que la vie s’est compliquée sur le globe, depuis que le parasitisme biologique[1] a fait son apparition, certains êtres ont vécu au détriment des autres. Il s’est donc établi un ensemble de relations antagonistes entre ceux qui sont dévorés et ceux qui dévorent, entre les victimes et les bourreaux. La vie des dévoreurs n’est possible que par la mort des dévorés. Entre ces êtres, opposition irréductible, inimitié perpétuelle. Mais, en même temps, il y

  1. La plante se nourrit de substances minérales, donc chimiques. Elle ne vit pas au détriment d’un autre être vivant. Au contraire, les animaux se nourrissent de plantes et d’autres animaux. Les dévoreurs (si l’on peut s’exprimer ainsi) vivent en parasites sur les dévorés.