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Ces considérations ont une grande importance pour ce qui va suivre. Le darwinisme fait de la douleur la reine du monde. Alors il semble que plus on inflige de douleur, plus vite doit marcher le progrès. De là, de nouveau, l’exaltation de la brutalité et de la tuerie. Mais ce point de vue est unilatéral, donc faux. En réalité, la jouissance occupe dans le monde un territoire dont l’étendue n’est en rien inférieure au territoire de la souffrance, si l’on peut s’exprimer de cette façon imagée. La jouissance est même plus puissante, car c’est un moteur constant, tandis que la souffrance est un moteur intermittent. Or, si la douleur n’est pas la reine du monde, il s’ensuit que le progrès n’est pas en raison directe de l’âpreté de la lutte entre les êtres vivants soit d’une même espèce, soit d’espèces différentes. La jouissance vient surtout de nos rapports avec le milieu physique. J’ai à peine besoin de rappeler qu’un de nos plus grands plaisirs est la contemplation du monde extérieur. Les animaux ressentent ce plaisir comme nous. C’est de là que vient le charme des voyages[1].

Or, le darwinisme néglige ces faits si importants. Il réduit tout aux rapports entre êtres vivants et, ne considérant la vie que par un seul côté, il est une théorie unilatérale, donc fausse.



  1. Voir plus bas, p. 366.