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collectivité humaine s’est réunie dans un champ et où un individu a tenu le discours suivant : « Nous sommes devenus trop nombreux, les substances alimentaires sont insuffisantes. Il ne nous reste plus d’autre ressource que de nous livrer à la lutte pour l’existence. »

D’ailleurs, même si cette réunion fantaisiste avait eu lieu, les déductions de Ratzenhofer ne tiennent pas debout. Les tigres, les loups, les lions sont aussi poussés à la lutte pour l’existence pour ne pas mourir. Mais ils ne sont pas poussés par cette lutte pour l’existence à combattre leurs semblables. L’orateur dont je viens de parler aurait dû dire à l’assemblée : « Les substances alimentaires sont insuffisantes, donc commençons la lutte pour l’existence contre les autres hommes. » C’est en cela qu’auraient consisté l’innovation et la découverte qui, selon les darwiniens, ont seules rendu possibles les progrès de la civilisation. Car, pour ce qui est de la lutte pour l’existence, comme chez tous les autres êtres vivants sans exception (destruction des autres espèces), l’homme l’avait pratiquée de tout temps et sans trêve ni répit, puisque l’homme n’avait pas pu vivre un seul jour sans manger. Ratzenhofer ne pense même pas à la lutte naturelle. Pour lui, la lutte a commencé seulement à partir du jour où se serait tenue l’assemblée imaginaire dont j’ai parlé, c’est-à-dire à partir du jour où un individu aurait proposé d’attaquer les autres hommes.

Et, d’ailleurs, dans ce passage, Ratzenhofer se contredit encore à un autre point de vue. Il dit que l’homme était placé dans l’alternative ou d’accroître ses subsistances par le travail, ou de spolier le prochain. Mais alors, comment peut-il déduire que la lutte pour l’existence, entre les hommes, était une loi inéluctable de la nature, provenant de la diminution des substances alimentaires, quand il dit lui-même que l’homme pouvait augmenter ces substances à volonté ?

Ratzenhofer prétend donc que les sociétés, à un certain