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ment de ferveur. De là le succès du darwinisme social en France et le mépris dans lequel tombèrent « l’idéalisme » et « l’idéologisme », c’est-à-dire la politique du droit.

Mêmes circonstances en Italie. Quand, à l’époque du Risorgimento, les différents États de ce pays formèrent enfin une nation, elle subit, coup sur coup, l’amertume de la défaite, d’abord à Custozza, puis à Lissa. Dans leur période d’effervescence juvénile, si l’on peut s’exprimer ainsi, les Italiens avaient un âpre désir de se faire une place égale à celle des autres puissances de l’Europe. N’ayant pu l’obtenir, ils en éprouvèrent un amer regret, et la possession de la force leur parut, à eux aussi, constituer le comble de la félicité humaine. Ils sentaient que la victoire les aurait exaltés autant que la défaite venait de les décourager. Ils comprenaient qu’avec une ou deux brillantes batailles ils auraient occupé immédiatement une situation au premier rang. Ils furent frustrés de cette joie profonde et se virent condamnés à la modestie. Tout cela donna un prestige extraordinaire à la force et favorisa la popularité des doctrines darwiniennes. Les Italiens venaient d’inaugurer une ère nouvelle dans l’histoire du monde : la formation d’un grand état, non par des massacres sur les champs de bataille, mais par des plébiscites unamines de citoyens. Les Italiens avaient la gloire magnifique d’être la première nation fondée par le droit. Ils attribuèrent à ce fait une médiocre importance. Ils auraient préféré de beaucoup une victoire sur des soldats en chair et en os à la plus belle des victoires dans le domaine de l’idée. Or, toute exaltation de la force brutale servait les doctrines darwiniennes.

Les autres nations de l’Europe furent naturellement influencées par le courant d’idées qui s’établit en France, en Allemagne et en Italie. L’Angleterre était le berceau du darwinisme. Elle lui fut naturellement très sympathique, d’autant plus que l’Angleterre avait un immense empire