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proclamer que la lutte est d’autant plus âpre qu’elle se livre entre êtres plus semblables, on en a déduit que l’antagonisme entre les hommes devait être le plus profond qui existe au monde.

Dans tous ces raisonnements on oublie seulement une toute petite chose, mais qui cependant remplit l’univers : le phénomène de l’association.

S’il était vrai qu’il y a un antagonisme naturel, irréductible entre les hommes, au sein de la société, il n’existerait sur la terre ni une plante ni un animal. En effet, si l’antagonisme est naturel entre les hommes, cela veut dire que l’association ne produit pas une multiplication de la puissance vitale, un accroissement de vie. Dans ce cas, aucune association biologique n’aurait pu se former et il n’aurait existé, je le répète, ni une plante, ni un animal. Si l’antagonisme des hommes était inhérent à la nature des choses, si le homo homini lupus était vrai, cela signifierait que l’association des hommes ne produit pas l’exaltation de la vie. Alors aucune association humaine ne se serait jamais formée.

D’autre part, considérons le prétendu antagonisme entre l’individu et la collectivité. S’il était réel, le mal de l’individu serait le bien de la collectivité. Alors la mort, qui est le mal suprême pour l’individu, serait le bien suprême de la collectivité. En d’autres termes, une société atteindrait le maximum de la prospérité quand tous les individus dont elle serait composée auraient cessé de vivre. En sens inverse, s’il y avait antagonisme réel entre l’intérêt public et l’intérêt privé, le jour où la collectivité subirait le plus grand mal possible, la mort générale, serait celui où les individus auraient le plus grand bien. En d’autres termes, les hommes seraient le plus heureux quand ils seraient tous morts. On voit à quelles absurdités on arrive en soutenant qu’il y a antagonisme entre les individus et les collectivités.

Cependant nous voyons cet antagonisme se produire