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LA NATURE

Seuls, les poètes ont senti ce que la Nature peut être à l’homme, reprit un bel adolescent, et l’on peut affirmer que la plus parfaite solution d’humanité se trouve en eux, et qu’ainsi chaque impression se propage avec pureté, de tous côtés, en toutes ses modifications infinies, à travers le cristal et la mobilité de cette solution. Ils trouvent tout dans la Nature. C’est à eux seuls que son âme ne demeure point étrangère, et ce n’est pas en vain que dans les relations qu’ils ont avec elle, ils cherchent tous les bonheurs de l’âge d’or. La Nature a pour eux toute la variabilité d’un caractère infini, et plus que l’homme le plus spirituel et le plus plein de vie, elle surprend par ses trouvailles et ses détours profonds, par ses rencontres et ses déviations, par ses grandes idées et ses bizarreries. L’inépuisable trésor de ses fantaisies ne souffre pas qu’un seul de ses familiers s’en aille les mains vides. Elle sait tout embellir, tout animer, tout confirmer ; et si, en quelques détails, un mécanisme inconscient et sans signification paraît seul régner, l’œil qui regarde au fond des choses aperçoit une merveilleuse sympathie avec le cœur humain, dans la coïncidence et la suite des accidents particuliers. Le vent est un mouvement de l’air qui peut avoir maintes causes extérieures ; mais n’est-il pas autre chose pour le cœur solitaire et gonflé de désirs, lorsqu’il passe, provenu d’une contrée très chère, et qu’avec mille murmures mélancoliques et obscurs, il semble dissoudre la tranquille souffrance dans un profond et mélodieux soupir de la Nature entière ? Est-ce