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LES DISCIPLES À SAÏS

même et grandirait toujours. La pensée n’est qu’un rêve de toucher, un attouchement mort, une vie grise et faible.

Tandis qu’ils parlaient ainsi, le soleil resplendit dans les hautes fenêtres, et le bruit des voix se perdit dans un doux murmure. Un pressentiment infini pénétra toutes les formes, la chaleur la plus douce se répandit sur toute chose, et le plus merveilleux chant de la Nature s’éleva du plus profond des silences. On entendit des voix humaines qui s’approchaient. Les grands vantaux des portes du jardin s’ouvrirent, et quelques voyageurs s’assirent sur les larges marches de l’escalier, à l’ombre de l’édifice. Le paysage admirable s’étalait devant eux dans la clarté ; et le regard, à l’horizon, se perdait en des montagnes bleues. D’aimables enfants apportèrent des mets et des boissons variés, et bientôt, les conversations s’animèrent.

Il faut que l’homme, dit enfin l’un d’eux, il faut que l’homme, sur tout ce qu’il entreprend, dirige son attention tout entière ou son moi. Dès qu’il a fait ceci, des pensées ne tardent pas à s’élever en lui d’une manière merveilleuse, des pensées ou un nouveau genre de perceptions, qui ne paraissent être que les doux mouvements d’une chose qui colore ou résonne, ou les contractions et les figurations étranges d’un fluide élastique. Du point où il a fixé l’impression, elles se propagent avec une mobilité étonnante et entraînent son moi avec elles. Il peut, s’il lui plaît, mettre fin à leurs jeux en divisant de nouveau son attention ou en la laissant errer à sa