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LES DISCIPLES À SAÏS

s’évanouirent, comme dévorées par l’air, les dernières traces de la terre, et il se trouva devant la vierge céleste. Il souleva le voile éclatant et léger, et… Rosenblütchen se jeta dans ses bras. Une musique lointaine enveloppa les secrets de la rencontre des amants, et des confidences de l’amour, et écarta les étrangers du séjour de l’extase. Hyacinthe vécut longtemps encore avec Rosenblütchen, entre ses parents et les compagnons de ses jeux, et d’innombrables petits-fils remercièrent la vieille femme merveilleuse de son conseil et de ses flammes ; car, à cette époque, les hommes avaient encore autant d’enfants qu’ils en voulaient…

Les deux disciples s’embrassèrent et s’éloignèrent. Les vastes salles sonores étaient claires et désertes, et l’étrange entretien se poursuivit en dialectes innombrables entre les mille natures diverses qui étaient rassemblées et rangées dans ces salles. Leurs forces intérieures luttaient entre elles. Elles se tendaient vers leur liberté et vers leurs relations d’autrefois. Bien peu se tenaient à leur place véritable et regardaient tranquillement l’activité environnante. Les autres se plaignaient de souffrances et de douleurs effroyables et pleuraient la belle vie de jadis au sein de la Nature où une liberté commune les unissait et où chacune d’elles obtenait d’elle-même tout ce qu’il lui fallait. Oh ! si l’homme, disaient-elles, comprenait la musique intérieure de la Nature et avait un sens pour saisir l’harmonie extérieure ! Mais il sait à peine que nous nous tenons toutes, et que pas une d’entre nous ne peut sub-