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LES DISCIPLES À SAÏS

celle-ci le dit à son amie la groseille à maquereau et celle-ci ne s’abstint pas de piquer lorsque passa Hyacinthe ; et bientôt tout le jardin, toute la forêt l’apprit, de sorte que, quand Hyacinthe sortait, de tous côtés l’on criait : « Rosenblütchen est mon petit trésor ! » Hyacinthe se fâchait, et puis, il lui fallut rire de bon cœur, quand le petit lézard arriva en rampant, s’assit sur une pierre chaude, remua la queue et chanta :

Rosenblütchen la belle enfant
Est devenue soudain aveugle,
Croit que sa mère est Hyacinthe
Et l’embrasse rapidement.
S’aperçoit-elle que c’est un visage étranger,
Remarquez donc : elle ne se trouble pas,
Et continue de l’embrasser,
Comme si de rien n’était.

Hélas ! que cette joie fut de courte durée ! Un homme s’en vint, des pays étrangers ; il avait voyagé incroyablement loin ; sa barbe était longue, ses yeux profonds, ses sourcils effrayants, et il portait une robe merveilleuse, aux plis nombreux et où étaient tissées des figures singulières. Il s’assit devant la maison des parents d’Hyacinthe. La curiosité d’Hyacinthe était fort excitée ; il s’assit à côté de l’étranger et lui apporta du pain et du vin. L’étranger sépara sa grande barbe blanche et parla jusqu’à la fin de la nuit. Hyacinthe ne sourcilla pas et ne se lassa pas d’écouter. Selon ce qu’on apprit plus tard, il avait parlé de terres étrangères, de contrées inconnues et de choses miraculeuses. Il demeura trois jours et,