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INTRODUCTION

est extraordinairement dissimulée. » « Les femmes sont plus complètes que nous, ajoute-t-il, plus fières que nous. Elles reconnaissent mieux que nous. Leur nature semble être notre art et notre nature leur art. Elles individualisent, nous universalisons… »

La voilà devant nous telle qu’il l’a aimée ; et nous la voyons un instant par ses yeux, une fillette pareille à celles que vous trouverez au fond de toutes les maisons aisées et au parloir de tous les pensionnats. C’est elle qu’il a aimée et admirée, et c’est d’elle qu’il est mort. Il avait peut-être raison, et cela n’étonne pas. Sans doute savait-il, sans pouvoir se le dire à lui-même, ce qu’il y avait en elle. Et s’il adorait ses petits gestes insignifiants, c’est qu’il n’ignorait pas qu’un être plus profond devait veiller tranquillement au fond de ses regards qui souriaient avec banalité. On ne sait pas ce que contiennent ces rencontres d’amants. Au surplus, on ne peut juger d’une femme par ce qui reste de ses actes et de ses pensées ou par ce qu’on dit d’elle. Il faut l’avoir vue et l’avoir approchée pour savoir ce qu’elle est et ce que vaut l’être inconnu qui vit en elle ; car la femme, plus que l’homme, est une question d’âme.

Il fut heureux durant tout un printemps, durant tout un été. Mais le malheur attendait en souriant sur le seuil de l’année finissante.