Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxxi
INTRODUCTION

propos d’une philosophie plutôt littéraire, les grandes querelles de l’âge d’or de la métaphysique allemande. Il suffit que l’on sache que toute la jeunesse de Novalis se passa au centre même de ce vaste incendie de la pensée humaine. Mais jamais il n’entra dans les prisons étroites de la philosophie systématique. Il aima mieux s’imaginer le monde selon les libres élans de son âme que de l’astreindre aux exigences d’une idée première, irrévocable et arbitraire. Il avait du génie, et Kant avait déclaré que le génie n’est pas à sa place dans la science. Des trois grands philosophes qui gouvernaient alors l’intelligence humaine, il est certain que Fichte, le penseur passionné, laissa les traces les plus profondes en son esprit, et il y songe souvent dans ses écrits. Au reste, il est impossible de savoir exactement l’influence qu’ils eurent sur son âme, car la véritable vie intérieure dépend de petites circonstances qu’on ignore toujours. Gœthe, dans son autobiographie spirituelle, ne parle d’aucun des grands événements de sa vie, mais consacre de très longues pages à d’humbles jeux de son enfance. L’âme n’écoute jamais, mais entend quelquefois, et si nous remontons aux sources de notre existence nouvelle et définitive, nous y trouvons souvent une parole d’ivrogne, de fille ou de fou à l’endroit même où les plus sages