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xxvii
INTRODUCTION

dit-il quelque part ; et il est l’un de ceux qui sortirent le plus rarement de cette atmosphère précieuse. Il entrevoit sans cesse, aux extrémités du plausible, une foule de choses que rien ne prouve, mais que nous ne pouvons cependant nous empêcher de reconnaître et d’admirer. Il n’y touche qu’en passant ; et, avant que vous ayez eu le temps de revenir de votre étonnement, il vous attend déjà, en souriant, sur le cap le plus solitaire de l’autre hémisphère. Il a de ces regards qui relient un moment tous les mondes. Peut-être est-il celui qui a pénétré le plus profondément la nature intime et mystique et l’unité secrète de l’univers. Il a le sens et le tourment très doux de l’unité. « Il ne voit rien isolément », et il est avant tout le docteur émerveillé des relations mystérieuses qu’il y a entre toutes les choses. Il tâtonne sans cesse aux extrémités de ce monde, là où le soleil ne luit que rarement, et, de tous côtés, il soupçonne et effleure d’étranges coïncidences et d’étonnantes analogies, obscures, tremblantes, fugitives et farouches, et qui s’évanouissent avant qu’on ait compris. Mais il a entrevu un certain nombre de choses qu’on n’aurait jamais soupçonnées s’il n’était pas allé si loin. Il est l’horloge qui a marqué quelques-unes des heures les plus subtiles de l’âme humaine. Il est évident qu’il se trompe plus d’une fois ;