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FRAGMENTS

La force communicative et réflective du langage et la force reproductive et imaginative, ou poésie, sont encore unes. C’est plus tard seulement que cette masse brute se sépare. Alors, naît l’art de nommer, le langage au sens propre, philosophie, art, art créateur, poésie en général. La sagesse énigmatique ou l’art de cacher la substance sous ses propriétés, l’art d’emmêler mystiquement ses signes distinctifs, appartient à cette période, où il fournit une matière à la jeune perspicacité. Des œuvres mystico-allégoriques marquèrent probablement les premières vulgarisations des premiers théorèmes, à moins que la connaissance générale ne soit, tout d’abord, venue au monde, sous cette même forme populaire. Les paraboles sont de formation bien postérieure. À la poésie artificielle ou à la technique en général appartient la rhétorique. Le caractère de la poésie artificielle est l’appropriation, le but étranger. Le langage, dans son sens le plus propre, appartient au domaine de la poésie artificielle. Son but est une communication déterminée. Si l’on veut appeler ainsi langage, l’expression d’une intention, toute la poésie artificielle est langage. Son but est communication déterminée, provocation d’une pensée déterminée. Le roman appartient à la poésie naturelle, l’allégorie à la poésie artificielle. La poésie naturelle peut avoir ainsi, sans y perdre, l’apparence de la poésie artificielle, de la poésie didactique. Mais il faut qu’elle n’y soit liée qu’accidentellement, librement. Cette apparence d’allégorie lui donne alors un charme de plus, et elle ne saurait