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FRAGMENTS

la liberté que le poète a dans les liaisons fait qu’il est illimité. Toute nature poétique est nature. Elle a toutes les propriétés de celle-ci. Si individuelle qu’elle soit, elle est cependant universellement intéressante. À quoi servent des descriptions qui laissent froids le cœur et l’esprit, des descriptions mortes de la nature morte ? Il faut qu’au moins elles soient symboliques, comme la nature elle-même, quand bien même elles ne devraient pas mettre en jeu un état d’âme. Il faut que la nature soit porteuse d’idées ou que l’âme soit porteuse de nature. Cette loi doit agir sur l’ensemble et dans les détails. Le poète ne peut absolument pas paraître égoïste. Il faut qu’il soit à lui-même une manifestation. Il est le prophète représentatif de la nature, comme le philosophe est le prophète naturel de la représentation. L’un est le tout objectif, l’autre le tout subjectif. L’un est la voix de l’univers, l’autre est la voix de l’unité la plus simple, du principe. L’un est chant, l’autre discours. La diversité de celui-ci unit l’infini ; la multiplicité de celui-là relie le fini. Le poète demeure éternellement vrai. Il se maintient dans le cycle de la nature. Le philosophe se change en éternel persistant. L’éternel persistant n’est représentable que dans le variable. L’éternel variable que dans le moment permanent, complet, actuel. Ses images sont antérieures et postérieures. Seul il est réalité. Il faut que toute production du poète soit symbolique ou émouvante. Émouvant veut dire ici tout ce qui affecte, en général. Le symbolique n’affecte pas immédiatement ; il met en jeu l’acti-