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FRAGMENTS

forme, le texte n’est jamais précipité ; les faits et les opinions sont tous deux strictement déterminés, présentés dans leur succession nécessaire. La nature dilatoire du roman se montre surtout dans le style. La philosophie et la morale du roman sont romantiques. Les choses les plus ordinaires, comme les plus importantes, y sont examinées et présentées avec une ironie romantique. La lenteur, « l’attardement » est partout le même. Les accents ne sont pas logiques, mais métriques et mélodiques, par quoi naît cette étonnante ordonnance romantique, qui ne se soucie pas du rang ou de la valeur, de ce qui est premier ou dernier, de la grandeur ou de la petitesse. Les épithètes naissent des circonstances ; et dans leur choix judicieux, dans leur distribution économique se révèle le tact poétique. Leur choix est déterminé par l’idée du poème. Le premier livre de Meister montre combien il est agréable d’entendre narrer des événements même quotidiens et vulgaires, lorsqu’ils sont gracieusement présentés, lorsqu’ils passent d’un pas mesuré et simplement revêtus d’un langage cultivé et aisé. Un plaisir analogue nous vient d’une après-midi passée, par hasard, au sein d’une famille qui, sans être composée d’êtres supérieurs, sans que son entourage soit bien recherché ni bien brillant, nous laisse cependant, par la stabilité et l’ordre de la vie du foyer, par l’activité harmonieuse de ses talents et de ses idées médiocres, par l’utilisation bien déterminée et complète de sa sphère et de son temps, un souvenir que nous aimons à nous rappeler.