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FRAGMENTS

Détaché du reste du monde, il se consume peu à peu lui-même, et selon son principe est misanthrope et misothée.

Bien des gens s’attachent à la nature, parce que, comme des enfants gâtés, ils craignent leur père et cherchent un refuge près de leur mère.

Rien n’est plus indispensable à la véritable piété qu’un intermédiaire qui nous relie à la divinité. L’homme ne peut être immédiatement en relation avec elle. Il faut que l’homme, dans le choix de cet intermédiaire, soit absolument libre. La moindre contrainte, en ceci, nuit à sa religion. Ce choix est caractéristique, et les gens cultivés choisiront des intermédiaires assez semblables entre eux, tandis que les ignorants seront d’ordinaire déterminés par le hasard. Mais comme, en général, bien peu d’hommes sont capables de choisir, maints intermédiaires deviendront communs, soit par hasard, soit par association ou à cause de quelque commodité particulière. C’est ainsi que naissent les religions locales. Plus un homme acquiert d’indépendance et d’individualité, plus aussi diminue la qualité de l’intermédiaire ; sa qualité s’affine, et les relations avec cet intermédiaire deviennent plus variées et plus raffinées : fétiches, astres, animaux, héros, idoles, dieux, un dieu-homme. On voit tôt combien ces choix sont relatifs, et sans qu’on le sache on est amené à cette idée que l’essence de