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FRAGMENTS

n’est que sur ceci que repose la possibilité de l’empirisme actif. Nous ne devenons physiciens que lorsque nous faisons des substances et des forces imaginatives, la mesure des substances et des forces de la nature.

C’est un trait significatif en beaucoup de contes, que, lorsque une chose impossible devient possible, en même temps une autre chose impossible devient possible aussi ; que, lorsque l’homme se vainc lui-même, il vainc aussi la nature ; et un prodige a lieu qui lui accorde l’agréable opposé dans le moment que le désagréable contraire lui devient agréable. Ce sont là les conditions magiques. Par exemple, un ours sera changé en prince, mais seulement dans l’instant où l’ours sera aimé. Peut-être qu’une transformation pareille aurait lieu si l’homme parvenait à aimer le mal dans l’univers ; dans l’instant qu’il commencerait à aimer la maladie ou la douleur, il se pourrait que la volupté la plus enivrante reposât dans ses bras, et que le plaisir positif le plus haut le pénétrât. La maladie ne pourrait-elle être un moyen de synthèse supérieure ? Et plus la maladie serait épouvantable, plus serait haute la volupté qui y est cachée ? Chaque maladie est peut-être le commencement nécessaire de l’union plus intime de deux êtres, le commencement fatal de l’amour. L’homme peut ainsi devenir enthousiaste de la maladie et de la douleur, et considérer la mort, avant tout, comme une union plus étroite d’êtres aimants. Le meilleur