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FRAGMENTS

que chose. Mais cette résolution nous coûte la jouissance d’un univers infini et exige qu’on se restreigne à une seule de ses apparences. Devrions-nous par hasard notre existence terrestre à quelque résolution analogue ?

On peut imaginer des histoires sans suite, mais cependant associées comme des rêves. Des poèmes qui sont simplement sonores et pleins de mots éclatants, mais dépourvus de sens et de cohésion, dont, tout au plus, quelques strophes sont compréhensibles, comme des fragments de choses les plus diverses. Cette véritable poésie peut avoir, tout au plus, un sens allégorique général, et une action indirecte comme la musique. C’est pourquoi la nature est si purement poétique, comme la cellule d’un magicien, d’un physicien, une chambre d’enfants, un grenier, un entrepôt, etc.

En un conte symbolique, il faut que tout soit merveilleux, mystérieux et se tienne. Il faut que tout soit vivant, mais d’une autre façon.

La nature tout entière doit être merveilleusement mêlée au monde spirituel tout entier. Ici commence le temps de l’anarchie universelle, de la liberté ; l’état naturel de la nature, le temps antérieur au monde. Ce temps antérieur au monde nous livre, en quelque sorte, les traits épars du temps postérieur au monde, comme la nature est une image singulière du royaume