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INTRODUCTION

à côté de laquelle la sienne semble pauvre, et alors nous sentons que l’œuvre sublime qu’il a créée, et qu’à d’autres moments nous élevons à la hauteur d’une poésie existant par elle-même, n’appartient pas plus profondément à la nature réelle des choses que l’ombre fugitive du passant sur un rocher. »

Les cris sublimes des grands poèmes et des grandes tragédies ne sont autre chose que des cris mystiques qui n’appartiennent pas à la vie extérieure de ces poèmes ou de ces tragédies. Ils jaillissent un instant de la vie intérieure et nous font espérer je ne sais quoi d’inattendu et que nous attendons cependant avec tant d’impatience ! jusqu’à ce que les passions trop connues les recouvrent une fois de plus de leur neige… C’est en ces moments-là que l’humanité s’est mise un instant en présence d’elle-même, comme un homme en présence d’un ange. Or il importe qu’elle se mette le plus souvent possible en présence d’elle-même pour savoir ce qu’elle est. Si quelque être d’un autre monde descendait parmi nous et nous demandait les fleurs suprêmes de notre âme et les titres de noblesse de la terre, que lui donnerions-nous ? Quelques-uns apporteraient les philosophes sans savoir ce qu’ils font. J’ai oublié quel autre a répondu qu’il offrirait Othello, le Roi Lear et Hamlet. Eh bien, non, nous ne