Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
FRAGMENTS

élaborée entre sans cesse en des vases d’une activité nouvelle, et qu’elle devient enfin partie essentielle, membre de l’esprit actif… En relisant impartialement son œuvre, l’auteur peut l’épurer lui-même. Chez ceux qui lisent, il arrive d’ordinaire que l’essentiel se perd en même temps, tant est rare le don de pénétrer complètement l’idée d’autrui. Il en va de même pour l’auteur. Critiquer justement n’est pas un signe de culture ou de puissance supérieure ; l’acuité plus grande de l’esprit s’explique naturellement par la nouveauté de l’impression produite.

Quelque singulier que cela puisse paraître à plusieurs, rien n’est plus vrai cependant, que c’est le métier, l’extérieur, la mélodie du style qui nous entraînent à lire et nous enchaînent à tel ou à tel livre. Wilhelm Meister est une puissante preuve de cette magie du style, du charme pénétrant d’une langue fluante, aimable, simple et cependant multiforme. Celui qui possède cette grâce de l’écriture peut nous raconter les choses les plus insignifiantes ; nous nous sentirons attirés et charmés. Cette unité spirituelle est l’âme véritable d’un livre, grâce à laquelle il nous apparaît personnel et efficace.

Gœthe est un poète tout pratique. Il est en ses œuvres ce que sont les Anglais en leurs produits industriels : suprêmement simple, net, aisé et durable. Il a réalisé dans la littérature allemande