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INTRODUCTION

en vérité que reste-t-il ? Quelques mystiques qui semblent fous, parce qu’ils représenteraient probablement la nature même de la pensée de l’homme s’il avait le loisir ou la force d’être un homme véritable. Parce que nous aimons avant tout les maîtres de la raison ordinaire : Kant, Spinoza, Schopenhauer et quelques autres, ce n’est pas un motif pour repousser les maîtres d’une raison différente qui est une raison fraternelle, elle aussi, et qui sera peut-être notre raison future. En attendant, ils nous ont dit des choses qui nous étaient indispensables. Ouvrez le plus profond des moralistes ou des psychologues ordinaires, il vous parlera de l’amour, de la haine, de l’orgueil et des autres passions de notre cœur ; et ces choses peuvent nous plaire un instant, comme des fleurs détachées de leur tige. Mais notre vie réelle et invariable se passe à mille lieues de l’amour et à cent mille lieues de l’orgueil. Nous possédons un moi plus profond et plus inépuisable que le moi des passions ou de la raison pure. Il ne s’agit pas de nous dire ce que nous éprouvons lorsque notre maîtresse nous abandonne. Elle s’en va aujourd’hui ; nos yeux pleurent, mais notre âme ne pleure pas. Il se peut qu’elle apprenne l’événement et qu’elle le transforme en lumière, car tout ce qui tombe en elle irradie. Il se peut aussi