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les associations ouvrières et les grèves

On ne considère point le tort qu’on peut se faire à soi-même, le tort qu’on fait certainement au patron : on s’abstient, on reste chez soi. Eh ! bien, jusqu’ici, je ne suis pas encore prêt à condamner parce qu’on a au moins un semblant de droit : la liberté d’affermer ou de ne pas affermer son travail. Mais on va plus loin. Si l’on ne travaille pas on ne veut pas que d’autres travaillent. La tâche qu’on a laissée inachevée, personne ne doit la terminer. Voici où commence, non-seulement l’injustice, mais l’abus révoltant. Si l’on est libre de s’abstenir, on n’a pas le droit de gêner l’action des autres. Et voilà pourtant ce que l’on fait : tous les jours. Non-seulement on emploie la persuasion pour engager toute une classe de travailleurs à se mettre en grève, mais quand la persuasion est insuffisante, on a recours à la force. Ceux qui se contentent du salaire offert et veulent prendre la place des grévistes, sont d’abord avertis, puis violemment éconduits : on pourchasse, on bat, on tue même, tous les moyens sont bons ; si cela ne suffit pas, on brûle les ateliers.

Cependant les fonds s’épuisent, la faim commence à se faire sentir, alors les sociétés-sœurs dans le pays, dans les états voisins, de l’autre côté même de l’Océan, font parvenir des secours pour prolonger la situation et forcer les patrons à capituler.

Voilà un état de choses dont on n’a pas l’air