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ACIER

Cœur d’aciei-, Cœur dur, et que rien ne saurait attendrir ; homme inébranlable dans ses résolutions. Ii Langue d’acier. Langue infatigable, impitoyable, toujours prête à déchirer le prochain.

— Mettre du baume d’acier. Recourir au chirurgien, et plus spécialement au dentiste pour faire arracher une dont. (Fam.)

— Encycl. Hist. La présence dans le fer d’une petite quantité de matières étrangères, et les opérations physiques auxquelles on peut soumettre ce métal, modifient profondément ses propriétés mécaniques ; aussi distinguet-on trois classes principales de métaux ferreux : les fers proprement dits, les aciers, et les fontes. Les fers et les aciers se différencient très nettement de la fonte : contenant en général moins de carbone et autres éléments étrangers au fer pur, ils sont malléables, et fondent entre 1.200" et 1.500" environ. II est beaucoup plus difficile de s’entendre sur ce que l’on doit appeler acier d’une part, et fer d’autre part ; parmi les diverses conventions proposées, nous en citerons deux. La première est commode et très souvent adoptée : elle consiste à appeler /"er tout produit ferreux malléable et soudé ; acier, tout produit ferreux malléable et fondu. La seconde tire son importance de ce fait qu’elle a été proposée par un congrès international réuni à l’exposition do Philadelphie ; nous la citons textuellement : " L Tout composé ferreux malléable, comprenant les éléments ordinaires de ce métal, et obtenu soit par la réunion de masses pâteuses, soit par paquetage ou par tout autre procédé n’impliquant pas la fusion, et qui d’ailleurs ne durcit pas par la trempe, bref, tout ce que l’on a désigné jusqu’à ce jour par le nom de fer doux (lorought iron, en anglais), sera appelé à l’avenir fer soudé (weld iron, en anglais ; schweiss eisen, en allemand). ti IL Tout composé analogue qui, pour une cause quelconque, durcit sous l’action de la trempe et fait partie do ce qu’on appelle aujourd’hui acier naturel, acier de forge, ou plus particulièrement acier puddlé [puddled steel) sera appelé acier soudé {weld steel, en anglais ; schioeiss stahl, en allemand ;.

" III. Tout composé ferreux malléable qui aura été obtenu et coulé à l’état fondu, mais qui ne durcit pas sensiblement sous l’action de la trempe, sera appelé fer fondu (ingot iron, en anglais ; /luss eisen, en allemand). " IV, Tout composé pareil qui, pour une cause quelconque, durcit sous l’action de la trempe, sera appelé acier fondu {i7if/ot steel, en anglais ; /luss stahl, en allemand)." Une telle distinction conventionnelle des métaux ferreux en fers proprement dits et aciers est commode pour les relations commerciales et industrielles. Il est d’autre part un ensemble de propriétés mécaniques sur lesquelles tous les industriels s entendent parfaitement, et qui définissent la valeur d’un métal :

Lorsqu’on soumet un barreau d’acier à des charges graduellement croissantes, on observe une première période, dite période d’élasticité, durant laquelle les allongements, proportionnels aux efforts, disparaîtront quand on supprimera ceux-ci ; cette période dure jusqu’à une certaine limite de la charge , qu’on appelle /imiVe de charge à l’élasticité, et qu’on mesure en kilogrammes par millimètre carré ; si l’on dépasse cette limite élastique, une partie de l’allongement subsiste quand on a supprimé l’effort et constitue ce qu’on appelle une déformation Îiermanente : à ce moment, la pièce a pris, sur toute sa ongueur, un allongement permanent que l’on désigne, industriellement, par allongement proportionnel. En poursuivant encore l’essai, on voit très souvent l’allongement se localiser en un ou plusieurs points où prennent naissance des étranglements (strictions) ; à cet instant, on note la. limite décharge à la rupture ; puis ces strictions s’accentuent jusqu’à la rupture définitive. Ces phénomènes élastiques sont d’une étude théorique et expérimentale très délicate : la loi élémentaire de Hooke indique bien un allongement proportionnel à l’effort de traction ; mais, pour les grandes transformations, quand apparaissent les déformations permanentes et les strictions, il semble y avoir un écart entre cette loi et les phénomènes observés. La loi de Hooke, sans être encore rigoureuse, peut suffire néanmoins à expliquer l’origine de ces strictions, mais la distribution des forces est loin d’être homogène dans une section de la tige, et l’influence du mode d’en-r castrement des extrémités n’est pas négligeable. Malheureusement, sur la répartition des efforts à l’intérieur et ses rapports avec la ductibilité du métal, la nature et l’influence précises des encastrements, on manque jusqu’ici de données rigoureuses.

Ces essais de traction ne sont pas les seuls auxquels on soumet les aciers : nous citerons encore les essais do fle3rion,d& torsion^ de résistance au choc (par exemple : un prisme à base carrée, de 100 millimètres de côté, placé sur des points d’appui distants de 1 mètre, est frappé en son milieu par un mouton, qu’on fait tomber de hauteurs graduellement croissantes, jusqu’à ce qu’on obtienne la rupture).

— Chim. et phys. Un acier se trouvant ainsi caractérisé par un certain nombre de données numériques, il importe de relier ces données aux facteurs élémentaires, desquels dépendent toutes les propriétés du métal, à savoir ; l" la constitution chimique, c’est-à-dire la nature des corps simples ou de leurs combinaisons mutuelles qui peuvent exister dans le métal en proportions diverses ; 2*" Vétat physigue (il dépend essentiellement de la forme et de la répartition des éléments chimiques juxtaposés [grain], et aussi de la déformation permanente que des er^)rts mécaniques ont pu provoquer dans le métal [écrouissage] ). D’autre part, un acier qui, porté à une température suffisamment élevée (800" au moins), a été refroidi brusquement {trempé), présente des propriétés différentes de celles qu’il possède quand il a été refroidi lentement à partir de la même température {recuit) ; nous aurons à tenir compte de la trempe et du recuit dans l’étude que nous allons faire de la constitution chimique et de l’état physique des aciers.

ï. Constitution chimique. — De tous les corps qui, étrangers au fer, entrent dans la composition des aciers, le carbone est de beaucoup le plus important. La teneur en carbone d’ailleurs ne doit pas dépasser 1,50 pour 100 ; sinon, le métal cesse d’être malléable et devient une fonte. Parmi les autres éléments qui interviennent, en faibles proportions d’ailleurs, pour modifier les propriétés des métaux ferreux, nous citerons le manganèse, le chrome, le tungstône, le silicium, le phosphore, le soufre, etc. Les premières expériences faîtes en vue de déterminer l’influence des éléments étrangers sur les aciers sont résumées dans les deux formules suivantes, relatives aux métaux recuits :

R = 30 -H 18C -f 36C^ -f- l,8Mn + 1,5 Ph -I- l,OSi A = 42 — 3eC — 0,55Mn — 0,60 Si

où R est la limite de charge à la rupture exprimée en kilogrammes par millimètre carré, A l’allongement proportionnel mesuré entre deux repères distants de 100 millimètres ; C, Mn, Ph, Si, représentent les teneurs pour cont en carbone, manganèse, phosphore et silicium. Quant à la limite de charge à l’élasticité, elle est, pour les aciers simplement carbu"rés, sensiblement égale à la moitié de la limite de charge à la rupture : mais, pour les métaux phosphoreux et manganèses, la limite d’élasticité se rapproche beaucoup plus de la limite de rupture.

Ces résultats n’intéressent que les aciers 7’ecuifs ; si l’on soumet ces métaux à la trempe, on constate : une élévation de la limite de charge à la rupture et de la limite de charge à l’élasticité ; une diminution de l’allongement ; une augmentation de la dureté et de la fragilité. En ce qui concerne en particulier la limite de charge à la rupture, Osmond représente par la formule suivante les effets dus à une trempe à 1 huile : Ri — R = 0,92 (R — 32).

Rt est la limite de charge à la rupture de l’acier trempé. R la même constante relative à l’acier recuit ; ces deux termes s’annulent par R = 32, et effectivement l’expérience montre que la trempe est sans effet sur un acier présentant une résistance de 32 kilogr. De telles modifications produites par la trempe dans les propriétés des aciers sont sous la dépendance do phénomènes d’ordre chimique :

Lorsqu’on échauffe progressivement jusqu’au rouge vif une tige d’acier, on observe, à un moment donné, un ralentissement brusque dans la dilatation et dans l’accroissement de l’éclat du métal : c’est là l’indice de transformations chimiques s’accomplissant dans la masse en expérience ; au refroidissement, un arrêt analogue se produit à une température un peu plus basse ; à ce doiu)le phénomène on donne le nom de recalescence. On conçoit dès lors l’effet d’un refroidissement brusque : si le métal traverse la température critique de recalescence en un temps plus court qu’il n’en faut pour que la masse subisse complètement la transformation chimique correspondante, ce métal gardera quelque chose de l’état chimique dans lequel il se trouvait aux températures supérieures ; de là la grosse influence de la vitesse de refroidissement sur les effets de la trempe, vitesse qui dépend d’ailleurs de causes multiples, telles que : les dimensions des pièces trempées, la nature du bain trempant, la température d’immer-L’étudo cristallographique des aciers est venue confirmer entièrement ces résultats et montre que le carbone n’est pas au même état dans un acier recuit et dans un acier trempé ; on trouve, dans les aciers recuits, deux carbures cristallisés, la cémentite Fe’C et a.perlite Fe*’C ; dans l’acier trempé existe un carbure de même composition que la perlite, Fe"C, c’est la hardénite. Les cristaux de hardénite se distinguent de ceu.x de perlite par leur aspect et en ce que, traités par les réactifs les plus faibles, ils laissent déposer du charbon. Enfin, si la trempe est faite au point de recalescence, la proportion de hardénite est exactement égale à la proportion de perlite qui se serait déposée dans un refroidissement lent. L’expérience montre aussi que le fer lui-même éprouve de pareilles modifications allotropiques sous l’influence de la température, et qu’un brusque refroidissement rend ces transformations permanentes.

IL Etat physique. — Les phénomènes d’ordre chimique no dominent pas à eux seuls les propriétés mécaniques des aciers : des aciers tremp’^s do même composition et à un même état chimique ont souvent des propriétés différentes ; il faut en rechercher la cause dans la structure physique du métal. Il résulte des recherches faites par Osmond que dans les aciers les cristaux sont en forme d’aiguilles, s’enchevêtrant les unes dans les autres, et constituant des sortes de ceï^u/es ; on conçoit qu’un pétrissage mécanique quelconque, un forgeage, un laminage, brisent ces cellules et les désagrègent ; ces dernières peuvent d’ailleurs se reconstituer, dans des conditions de température convenables, sans pour cela que le métal passent l’état fondu.

La trempe, que nous avons déjà vue intervenir pour modifier la constitution interne de ces cristaux, joue également un rôle important dans ces changements de structure : elle modifie la forme extérieure et les dimensions de ces cellules. A ce point de vue, d’ailleurs, la trempe agit soit par la température initiale de chauffe avant le refroidissement rapide, soit par les conditions dans lesquelles se fait le passage au point de recalescence. La température initiale de chauffe importe en ce sens qu’un acier porté à 900" devient cassant et perd tout allongement de rupture : on dit qu’il est brûlé ; la présence du phosphore abaisse la température à laquelle ce phénomène se produit. Quant à ce qui se passe à la recalescence, l’expérience a mis nettement en évidence que la transformation est différente, à réchauffement et au refroidissement : tandis qu’à réchauffement le changement de structure est complet, au refroidisseinent la forme extérieure des cellules n’éprouve aucun changement ; seule, leur structure interne varie. L’industrie tire un frand parti de ces changements de structure produits ans les aciers par les passages au point de recalescence. La constitution chimique et la structuré cristallisée ne sont pas les seuls facteurs dont il faille tenir compte pour fixer les propriétés des aciers. Par exemple, un métal de limite élastique L prend une déformation permanente sous l’action d’une charge supérieure à L : l’expérience montre qu’il ne peut, après avoir été ainsi déformé, reprendre une nouvelle déformation permanente que sous l’action d’une nouvelle force L’ plus grande que L,Vacier est alors dit écroui ; sa malléabilité est devenue plus faible, et il peut d’ailleurs reprendre parle recuit ses propriétés primitives.

Fabrication db l’acier. — L’invention do l’acier est très ancienne et paraît liée, comme l’usage du fer dont elle représente un perfectionnement, aux origines orientales de la métallurgie. On peut dire d’une façon générale que partout, à la fin de l’âge de fer, on fabriqua 60

l’acier ; mais le meilleur, comme !e plus fin, venait, au témoignage de Pline, du pays chinois. Les Indiens qui ont donné leur nom à des procédés de fabrication do l’acier ne sont pas nettement indiqués comme les inventeurs de cette substance.

Les travaux de Réaumur, Berthollet, Monge ont perfectionné l’ancienne fabrication. Les procédés sont nombreux, mais ils peuvent tous se ramener à l’une des trois méthodes générales suivantes :

Décarburation partielle de la fonte (acier d’affinage, acier Bessemer) ;

Carburation du fer pur (acier de carburation, acier cémenté ) :

Combinaison de ces deux procédés, autrement dit décarburation de la fonte par le fer pur (acier Martin). En réalité, le procédé Bessemer et le procédé Martin sont aujourd’hui presque seuls employés ; ce sont ceux que nous décrirons plus spécialement, nous bornant à rappeler pour mémoire le principe des anciennes opérations.

— Anciens procédés d’affinage. La décarburation partielle de la fonte était obtenue par une fusion au contact d’oxydes, ou sous le vent d’une tuyère ; en réalité, l’opération était la même que dans la transformation de la fonte en fer ductile par affinage au charbon de bois, ou par mazéage et puddlage ; seulement, on s’arrêtait avant l’enlèvement complet du carbone et du silicium. Ces procédés, aujourd’hui complètement abandonnés, donnaient les aciers naturels ou aciers de forge, et l’acier puddlé.

— Cémentation, h’acier cémenté, qu’on appelle encore acier de carburation, s’obtient par carburation du fer ductile : les barres de fer sont rangées par lits, avec du charbon en poussière mélangé de i/io de son poids de cendres et de sel marin, dans des caisses rectangulaires en briques réfractaires ; on maintient le tout au rouge pondant sept ou huit jours. L’acier brut cémenté est recouvert de soufflures, on lui donne le nom d’acier poule. Pour lui donner do l’homogénéité, on l’étiré en barres minces que l’on soude ensuite par le martelage après les avoir portées au rouge ; on obtient ainsi l’acier corroyé. ~ Procédé Bessemer. La méthode d’affinage de la fonte par le procédé Bessemer a été exposée pour la première fois par son inventeur en 1856 devant la Société britannique ; mai s ce n’est

qu en 1862 qu’elle

commença à être

réalisée industriel-

lement. Le prin-

cipe de ce mode de

dé carburation est

simple : on brûle le

carbone et le sili-

cium parun courant

d’air jusqu’à obte-

nir un métal fondu

plus ou moins oxy-

dé que l’on recar-

bure et désoxydo

ensuite par l’addi-

tion de spiegel

ou fonte mangané-

sifère.

L’opération s’ef-

fectue dans une

vaste cornu©

ovoïde {convertis-

seur) en tôle rive-

tée, mobile autour

d’un axe horizontal

{fig. 1) ; elle est

garnie intérieurement de terre réfractaire argileuse (c’c-rt le garnissage acide, ainsi appelé par oppo.sition au garnissage basique dont nous aurons à parler plus loin et qui s’emploie plus spécialement pour les foutes phosphoreuses ) ; à la partie supérieure de la cornue est une ouverture où l’on verse la fonte en fusion au sortir du haut fourneau ; à la partie inférieure sont sept tuyères en terre réfractaire par lesquelles on peut injecter de l’air. Avant d’introduire la fonte, on remplit l’appareil de coke incandescent dont on active la combustion en faisant passer l’air des souffleries. La cornue étant portée à une haute température, on la fait pivoter pour que le coke puisse tomber ; puis on laisse arriver la fonte, l’appareil étant horizontal, afin que cette fonte ne coule pas dans les tuyères. On met alors en mouvement la soufflerie, et l’on redresse l’appareil : l’air arrive avec une pression équivalant à sept fuis environ la colonne de métal. Parmi les éléments étrangers au fer, le silicium, qui osi le plus oxydable, brûle le premier en produisant de la silice ; celle-ci, qui est un produit solide, ne fournit aucune flamme et donne une gerbe d’étincelles, caractéristique de la première période. Dès que le carbone commence à brûler, la flamme devient plus vive ; en même temps, on perçoit un fort bouillonnement produit par l’oxyde de carbone, c’est la seconde péj’iode : on est averti qu’elle .m terminée par un abaissement dans l’intensité lumintMi de la flamme et par la disparition du bouillonnement, a . quel succède un omit sourd indiquantque le métal selai^^ difficilement traverser. Alors, on renverse la cornue, i.t l’on ajoute, en proportions variant suivant le métal .n e.xpérience, le spiegel, qui est une fonte à 70 % de niau-Fig 1 — CoNVEni i

VI ouverture de lH ii ^ i

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fond de la coroiie — ^

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Fig. 2. — Vnriations des teneur !

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L Bessemer acide.

fanèse ; ce dernier métal s’oxyde aux dépens de l’oxyde fer, qui se trouve ainsi réduit, tandis que le carbone s’ajoute purement et simplement. L’action du spiegel terminée, on fait basculer 1 appareil ; on reçoit l’acier dans une grande poche en fer garnie intérieurement d’argile et fermée à sa partie inférieure par une soupape. Nous donnons {fig. 2 ; un graphique dressé d’après Kitig et ro-