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Et, des sommets sacrés dépassant les arêtes,
Feux dont le fixe éclair jamais ne s’est éteint,
Les constellations flamboyant sur leurs têtes
Par delà cette zone où flottent les tempêtes,
Traçaient en signes d’or le verbe du Destin.

Les Sages y lisaient au livre de prestige.
Et, quand leurs bras, tendus en gestes surhumains,
Appelaient le mystère ou tentaient le prodige,
Les Prophètes sentaient les vapeurs du vertige
Vers le gouffre d’en haut attirer leurs deux mains.

La Terre, dans ces jours d’espérance et de doute,
Disque plat qu’enserrait, de son orbe écumant,
Un fleuve où nulle nef ne connaissait de route
N’était que le pavé d’un Temple, dont la voûte
Se nommait l’immobile et profond firmament.

Grasse du sang impur des rouges hécatombes,
Et de l’égorgement en sueur des taureaux,
Chaude de lourds parfums et de vols de colombes,
Son haleine, du sol bossué par les tombes,
S’élevait vers des Dieux pareils à des Héros.

Aujourd’hui nous avons rompu ces arcatures
Géantes, qui rivaient les astres à leurs flancs,
Et les créations, prisons des créatures,
S’effondrant sur l’amas de leurs architectures,
Ne sont qu’un peu de rouille entre nos doigts tremblants.

Notre pensée, avec les soleils, roule et tangue
Sur un sombre infini sans rivage et sans flots,
Notre âme nue a froid d’avoir brisé sa gangue,
Un nouvel inconnu, qui veut une autre langue,
S’éveille dans notre être et cherche encor ses mots.

Les autels sont éteints avec les sacrifices,
La dernière victime a fini de pourrir,
Entre les murs glacés des mornes édifices,
Les Dieux sont morts, avec les Destins leurs complices.
Dieu, qui fut le dernier des Dieux, vient de mourir.