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il donnait les célèbres déjeuners où l’on arrivait à une heure vague, où les mots d’esprit remplaçaient souvent les côtelettes absentes, où les jeunes auteurs venaient pour se faire bien voir du maître et les belles théâtreuses pour se faire bien voir des jeunes auteurs…

Aujourd’hui, Sarcey a passé toute la journée à l’Institut des Annales. Après déjeuner, il a lu et somnolé un peu. À cette heure-ci, il assiste à une conférence. Je l’aperçois à sa place réservée, dans la vaste loge, près la petite scène. Il est assis dans une pose familière, les deux jambes largement écartées, les mains appuyées sur sa canne et le menton appuyé sur les mains. Un rayon de soleil, tombant de la verrière, éclaire sa tête solide, aux cheveux courts et drus. Un sourire de béatitude voltige sur ses lèvres. Il se rappelle le temps lointain de ses conférences à la salle des Capucines ou à la Bodinière… Et, après avoir tant et tant parlé devant tant d’auditeurs, il est heureux de se sentir l’auditeur de quelqu’un qui parle pour lui…