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tés, ils changeaient de linge et, doucement se promenant, allaient voir si le dîner était prêt. Et attendant qu’on le préparât, récitaient clairement et éloquemment quelques sentences retenues de la leçon.

Cependant monsieur l’appétit venait, et par bonne opportunité ils se mettaient à table. Au commencement du repas était lue quelque histoire plaisante des anciennes prouesses, jusqu’à ce qu’il eût pris son vin. Alors (si bon lui semblait) on continuait la lecture, ou bien ils commençaient à deviser joyeusement, parlant d’abord des vertus, propriétés, efficacités et natures de tout ce qui leur était servi à table : du pain, du vin, de l’eau, du sel, des viandes, poissons, fruits, herbes, racines, et de leur apprêt. Il apprit bientôt, de cette manière, tout ce qu’enseignent, à ce sujet, Pline, Athénée, Dioscorides, Julius Pollux, Galien, Porphyre, Opian, Polybe, Héliodore, Aristote, Elien et autres. Pendant ces entretiens, ils faisaient souvent, pour être plus assurés, apporter leurs livres à table. Et si bien et entièrement retint en sa mémoire les choses dites que, pour lors, n’était médecin qui en sût la moitié autant que lui. Ils devisaient ensuite des leçons du matin ; puis achevant leur repas par quelque bonne confiture, ils se curaient les dents, se lavaient les mains et les yeux avec de belle eau fraîche ; puis ils rendaient grâce à Dieu par quelques beaux cantiques faits à la louange de la munificence et bénignité divine.