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lui-même. Il y venait chercher la liberté et la poésie, des passions pour son cœur, des larmes pour ses yeux, des émotions pour son esprit, des paroles et des couleurs pour sa pensée. D’où venait-il ? Que vous importe ? Il venait d’où viennent les poëtes et les grands écrivains à coup sûr. Que laissait-il derrière lui ? Que vous importe encore ? Il laissait derrière lui tout ce qu’on laisse quand on dit adieu à la vie et à sa famille : il laissait le repos, le sommeil et le bonheur.

Avouez cependant que pour l’enfant qui se révolte contre son père, et pour la femme qui s’enfuit loin de ce joug de plomb qu’on appelle le mariage, pour le génie méconnu qui ne demande pas mieux que d’entasser ruines sur ruines, 1830 était une année bien choisie pour venir à Paris chercher fortune à son audace, à son style, à son esprit. Cette ville, naguère encore si tranquille et si doucement occupée d’art, d’éloquence et de poésie, était devenue un véritable chaos plein d’ambitions et de désordres de tous genres. Partout l’émeute, partout la peur, partout les nouveaux venus de la veille qui remplaçaient impitoyablement les maîtres d’hier, partout la licence qui relève la tête ; partout le peuple déchaîné qui, après avoir brisé le trône, s’amuse à briser l’autel, à chasser le Dieu du sanctuaire, comme il a chassé le roi des Tuileries. Oui, certes, le moment était bien choisi pour tous les aventuriers en tout genre, aventuriers d’ambition ou de fortune, aventuriers d’esprit et de poésie, aventuriers de passion et d’amour.

Aussi notre hardi aventurier de la veille, grâce à son esprit, à son sang-froid, à son courage, se trouvait merveilleusement à l’aise. Avec une révolution qui allait avoir grand besoin de nouveaux écrivains et de nouveaux poëtes ; que de style et que d’audace cette révolution allait demander aux nouveaux arrivés dans la lutte !