Page:Noailles - Passions et vanités, 1926.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur un radieux rivage dont elles ne recevaient que la bleuâtre buée et la rumeur amortie, pensaient au ciel. Hier, en visitant leur couvent désormais abandonné, je me suis répété ces mots : Là, des cœurs appliqués, simples, éblouis, pensaient au ciel !

Ni les astronomes, dont le regard déchiffre l’arithmétique étourdissante des nuits et dont l’âme écoute ce chant des sphères dont parle Pythagore ; ni les poètes, qui, dans leur solitude anxieuse ou sereine, ont fait de l’étendue leur compagne secrète, n’ont connu un tel exclusif amour du ciel.

Je suis restée à rêver dans ce désordre des fleurs et des bâtiments. L’aimable allée brusque et caillouteuse que le mendiant infirme parcourait dignement, l’allée où, jeune fille, je suis tombée avec une confusion que l’amour-propre rendit extrême, est envahie à présent par les branches des aubépines, des cytises, des lilas, des épais magnolias, au feuillage vernissé, qui n’ont plus leur faste ciselé, mais, faute de soins, retournent à la barbarie. Les fleurs pourpres des mar-