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vert sombre, avivé de rosée, où se dresse le colchique violet. On croit entendre cette troupe d’ombres légères se réfugier et s’évanouir sous l’humide auréole du dahlia couronné de pluie.

Parfois le cri du merle, de la pie luisante, du canard des étangs au bec laqué, qui, déployant ses jaunes pattes, semble déambuler sur deux feuilles de platane fanées, dérange la torpide vapeur d’automne : un instant retentit dans le silence leur bref jacassement, comme une bacchanale de froides castagnettes, puis la paix se reforme, naturelle, obstinée. Elle tombe des cieux, s’avance de toute part, molle banquise des airs, et bâtit autour des mondes d’Occident sa calme forteresse. Nos contrées, avec les fûts dépouillés des arbres, sont alors un cloître éventé, somnolent, où l’on distingue, — légères colonnes d’odeurs, denses et perméables, — l’arome de la noix amère, du buis, de la résine mouillée, du champignon, du pâturage avec ses troupeaux, et cette indéfinissable odeur de rosée perma-