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je ne puis pas comprendre…


Je respire, mon front contre tes genoux frêles,
À l’ombre de ta bouche aux rivages vermeils ;
Et mon cœur se dissout vers tes chaudes prunelles,
Comme un pâtre étendu, humé par le soleil !

L’amour que le matin a pour toutes les choses
Lorsqu’il comble d’azur le torrent, les glaïeuls,
Le chanvre, les osiers, les goyaves, les roses,
Mon cœur plus chaud que lui le répand sur toi seul !

Quand je te vois, quand tu me parles ou me touches,
Je suis comme un mourant de soif dans le désert,
Qui verrait l’eau du puits monter jusqu’à sa bouche,
Et le fruit du manguier s’incliner sur les airs.

Je suis ton centre exact, immuable et mobile,
Tes deux pieds, nuit et jour, sont posés sur mon cœur,
Comme le clair soleil pend au-dessus des villes
Et décoche aux toits bleus ses flèches de chaleur.

Toute bonté du monde est en toi déposée ;
Je n’imagine rien que ne puisse guérir
Le rire de ta bouche et sa tiède rosée,
Ô visage par qui je peux vivre et mourir !