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je vous avais donné…


Parfois, quand j’apportais entre mes faibles doigts
Le printemps qui luit et frissonne,
Vous me disiez : « Je n’ai de désir que de toi,
Coupe tes mains et me les donne. »

Mais ces dons exaltés n’étaient pas suffisants,
La rose manque à la guirlande,
Je conservais encor la pourpre de mon sang,
Ce soir je vous en fais l’offrande.

— Ô mon ami, prenez ce sang si gai, si beau,
Si fier, si rapide et si sage,
Qui, dans ses bonds légers, reflétait les coteaux,
Et la nuée à son passage !

Que de mon cœur fervent à vos timides mains
Il coule, abondant et sans lie,
Afin que vous ayez, dans le désert humain,
Une coupe toujours emplie.

Déjà mon front plaintif est moins brillant qu’hier,
Mais la douleur ne rend pas laide,
Le visage est sacré quand il est âpre et fier
Comme les sables de Tolède ;