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le chant du printemps


C’est toi le renouveau, toi par qui l’aujourd’hui
Est différent d’hier comme le jour de l’ombre ;
Toi qui, d’un autre bord où ton royaume luit,
Fais retentir vers nous des fanfares sans nombre.

Un ordre plus formel que la soif, que la faim,
Commande par ta voix rapide, active, urgente,
Et du fond des taillis et des gouffres marins
Monte le chaud soupir des bêtes émergeantes !

— Je te suivrai, Printemps, malgré les maux constants,
Je te suivrai, j’irai sans défense et sans armes
Vers ce vague bonheur qui brille au fond du temps
Comme un fixe regard irrité par les larmes !

Je te suivrai, malgré le souvenir des morts,
Malgré tous les vivants engloutis dans mon âme,
Malgré mon cœur qui n’est qu’un gémissant effort,
Malgré mon fier esprit qui résiste et me blâme.

— Mais quoi ! ce n’est donc pas le neuf et frais bonheur
Qui ce soir me tentait par son doux sortilège ?
Ces espoirs, ces souhaits, ces regrets, ces langueurs,
Hélas ! c’est le passé, beau comme un long arpège ;