Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.
323
ainsi les jours légers…


Les fleurs, entre tes mains et contre ton doux être,
Parfumaient froidement ton éternel répit ;
Jamais je ne verrai l’été sans reconnaître
Ce jardin qui mourait sur ton cœur assoupi !

Et tu n’étais plus là, malgré ton fin visage,
Le dernier de toi-même et qui me plaît le plus ;
Ô visage accablé, suprême paysage
D’un jour de fin du monde, et qu’on ne verra plus !

Les vivants ont repris leurs errantes coutumes ;
Ils sont un autre peuple, et tu ne peux toujours
Hanter de ta suave et poétique brume
Ces malheureux, guidés par d’alertes amours.

Mais leur vague existence est par l’ombre absorbée,
Ils meurent chaque jour, sans enfoncer en nous
Ces pointes du malheur, que ta main dérobée
Fixe encor dans mon cœur comme de sombres clous…