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les morts


Par vos terribles soins, comme de grandes fresques,
L’Histoire des humains suspend au long des jours
Des figures en feu, pourpres et romanesques,
Dont la flamme et le sang ont tracé les contours.

— Seigneur, l’âme est l’élan, la dépense infinie,
Seigneur, tout ce qui est, est amour ou n’est rien.
Au centre d’une ardente et plaintive agonie
J’ai possédé les jours futurs, les temps anciens ;

Vienne à présent la mort et son atroce calme,
Mer où les vaisseaux n’ont ni voiles ni hauban,
Contrée où nul zéphyr ne fait bouger les palmes,
Arène où nul couteau ne trouve un cœur sanglant !

Vienne la mort, mon âme a dépassé les bornes,
Mon esprit, comme un astre, aux cieux s’est projeté,
J’ignorerai l’abîme humiliant et morne,
Mon cœur dans la douleur eut son éternité !