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Que les jours se levaient splendides dans ma joie !
Quel torrent ascendant de mon cœur vers les cieux !
Mais l’orchestre s’est tu ; la brume qui me noie
M’entraîne mollement aux lieux silencieux.

J’ai la sérénité d’être sans espérance,
Je ne souhaite rien, j’ai pris congé de moi ;
Ma force, mes désirs, mes regrets, ma souffrance
Ont fui comme le temps laisse tomber les mois.

Mon cœur libre est ouvert à tout écho sublime,
Les fiers chevaux du Cid y font sonner leurs pas ;
J’étends, les yeux penchés au-dessus des abîmes,
Une main qui pardonne et l’autre qui combat.

Je sais que l’héroïsme est la suprême ivresse,
Le mont où retentit la trompette d’argent,
Mais plus le bond est haut, plus sûrement il blesse :
Les esprits éblouis sont les plus indigents.

Je vois bien que tout fleuve orgueilleux a sa rive,
Que tout a sa mesure et son empêchement,
La chance aux yeux divins, rapidement nous prive,
Et quand le sombre amour a pitié, c’est qu’il ment.