Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.


C’est toujours soi qu’on cherche en croyant qu’on s’évade,
On voudrait reposer entre ses bras bénis ;
Votre amour et le mien jamais ne rétrogradent,
Et je m’entoure enfin de mon cœur infini…

Je le sais, mes pas sont enlizés dans le sable,
Tout le poids de la vie est retenu au sol,
Mais la flèche du cœur va vers l’inconnaissable
Et l’esprit ébloui accompagne ce vol ;

Je ne veux plus revoir ce trop humain désastre
Qui m’avait assourdie et me crevait les yeux ;
Ces nuits où la douleur m’apparentait aux astres,
Par l’effort éloigné, vain et silencieux ;

La détresse a besoin d’une immense étendue,
D’une voûte où l’amour coule jusqu’aux deux bords ;
Une ardeur sans espoir n’est plus interrompue,
Et l’espace est moins haut que son plaintif essor.

C’est pourquoi, les yeux clos aux lueurs de la terre,
Délaissant ma raison comme un trop faible ami,
Je vous bois, ô torrent dont le feu désaltère,
Dieu brûlant, vous en qui tout excès est permis…