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Le vent qui fait tourner les algues dans les flots
Et m’apporte l’odeur des nuits de Dalmatie,
Guide jusqu’à mon cœur ces suprêmes sanglots,
— Ô folie, ô sublime et sombre poésie !

Le rire, les torrents, la tempête, les cris
S’échappent de ces corps que trouble un noir mystère.
Quelle huile adoucirait vos torrides esprits,
Bacchantes de l’étroite et démente Cythère ?

Cet automne, où l’angoisse, où la langueur m’étreint,
Un secret désespoir à tant d’ardeur me lie ;
Déesse sans repos, sans limites, sans frein,
Je vous vénère, active et divine Folie !

— Pleureuses des beaux soirs voisins de l’Orient,
Déchirez vos cheveux, égratignez vos joues,
Pour tous les insensés qui marchent en riant,
Pour l’amante qui chante, et pour l’enfant qui joue.

Ô folles ! aux judas de votre âpre maison
Posez vos yeux sanglants, contemplez le rivage :
C’est l’effroi, la stupeur, l’appel, la déraison,
Partout où sont des mains, des yeux et des visages.