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syracuse


J’étais triste. La ville illustre et misérable
Semblait un Prométhée sur le roc attaché ;
Dans le grésillement marmoréen du sable
Piétinaient les troupeaux qui sortaient des étables ;
Et, comme un crissement de métal ébréché,
Des cigales mordaient un blé blanc et séché.

Les persiennes semblaient à jamais retombées
Sur le large vitrail des palais somnolents ;
Les balcons espagnols accrochaient aux murs blancs
Broyés par le soleil, leurs ferrures bombées :
Noirs cadenas scellés au granit pantelant…

Dans le musée, mordu ainsi qu’un coquillage
Par la ruse marine et la clarté de l’air,
Des bustes sommeillaient, — dolents, calmes visages,
Qui s’imprègnent encor, par l’éclatant vitrage,
De la vigueur saline et du limpide éther.

Une craie enflammée enveloppait les arbres ;
Les torrents secs n’étaient que des ravins épars,
De vifs géraniums, déchirant le regard,
Roulaient leurs pourpres flots dans ces blancheurs de marbre
— Je sentais s’insérer et brûler dans mes yeux
Cet éclat forcené, inhumain et pierreux.