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LE MEURTRIER


Qui dans l’ombre maintient l’orgueil et la clarté, —
Cette auguste, sublime et blanche parenté !

Mais l’homme qui sous lui presse la Germanie
Se détourne s’il voit pleurer les Symphonies…

— Ainsi, quand dans les soirs de Weimar, doux et lourds,
Beethoven près de Gœthe entendait le tambour
Qui précède le prince et son cortège en fête,
Quand, lâchant tout à coup l’épaule du poète
Qui s’avançait, ployant, auprès— du souverain,
Il poussait plus avant son chapeau sur sa tête
Et murmurait:« C’est moi le souffle et la conquête,
Le roi n’est que du vent dans mon pipeau d’airain,
Il prend la nation lorsque nous l’avons faite ! »
C’est qu’il avait prévu, avec un sûr effroi,
Qu’un jour le Chant serait offensé par un roi…

— Cet automne où je songe au fond d’un vallon basque,
Je vois, dans la maison que j’habite, son masque ;
Sa bouche détendue a comme un grand dégoût
D’avoir su que ce crime encor viendrait de vous !
Il reposait enfin ce martyr, et les astres
Mêlaient à l’harmonie, aux mouvements des cieux,
Les volutes sans fin de son cœur anxieux.
« Je n’aime, avait-il dit, que la bonté ! » Désastre,
Épouvante, stupeur, tout s’écroule ! Le sol