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ENTRE LES TOMBEAUX ET LES ASTRES


Il n’est pas de douleur pour nous, notre âme nue
Flotte liquidement à l’entour du soleil.
Nous sommes morts ; pourtant le monde continue.
L’univers reste-t-il pareil ?

Nous entendons des voix terrestres qui nous nomment ;
On nous appelle saints, bienheureux, purs et forts.
Pourtant nos sens se sont évanouis. Les hommes
Ont donc le souvenir des morts ?

Il semble que des fronts, des prières, des larmes
S’élèvent dans les cieux vers nos molles cités.
Nous étions des enfants endormis sous les armes ;
D’où nous vient notre éternité ?

Peut-être que la mort hardie et militaire
Est un don véhément qu’on ne fait pas en vain.
Sommes-nous à jamais le dôme de la terre
Et les ressuscités divins ?

Est-ce à cause de nous que l’espace s’imprègne
D’un éther plus fougueux, plus lucide et plus fier ?
Nous sommes immortels, se peut-il qu’on nous plaigne,
Nous n’étions que vivants hier !