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LE JEUNE MORT


Les respirants lilas, dans ce matin de mai,
Sont de bleus îlots de délices ;
Jeune instinct dispersé, n’entendras-tu jamais
Le bruit d’un jardin qu’on ratisse ?

Ton âme a-t-elle atteint ces hauteurs de l’éther
Où vibre la chanson des mondes ?
Frôles-tu, dans la paix soleilleuse des mers,
Les poissons amoureux de l’onde ?

Comme tout nous surprend dès qu’un homme est pass(
Dans l’ombre où ne vient pas l’aurore !
Se peut-il que l’on soit, l’un du côté glacé,
L’autre du côté tiède encore ?

Un mort est tout grandi par son puissant dédain,
Par sa réserve et son silence ;
Ah ! que j’aimais ton calme et mon insouciance
Quand tu vivais l’autre matin !

Tu ne comptais pas plus que d’autres jeunes êtres,
Comme toi hardis, fiers et doux :
corps soudain élu, te faut-il disparaître
Pour briller ainsi tout à coup ?